République tchèque : la criminalisation des ingérences ne fait pas l’unanimité

À travers un amendement au Code pénal, la République tchèque entend pénaliser les « activités non-autorisées pour le compte d’une puissance étrangère ». Une motion a néanmoins été déposée, visant à abolir cette mesure.

La démarche a été initiée par le vice-président du Comité des affaires constitutionnelles et légales du Sénat, Michael Canov (SLK, parti régionaliste centriste-centre droit). Pour que cette motion soit soumise à la Cour constitutionnelle, elle devait obtenir 17 signatures de sénateurs. Elle en a obtenu 24. Parmi les signataires, toutes les factions politiques sont représentées à l’exception du SEN 21 (centre) et du Parti pirate (centre gauche).

Lors des débats qui avaient anticipé l’introduction de ce nouveau crime en janvier dernier, 31 des 75 sénateurs présents s’étaient prononcés contre. Les détracteurs de cette criminalisation dénoncent une formulation trop large et une potentielle menace à la liberté d’expression. Le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan, rejette ces accusations et précise que la loi ne devrait pas concerner la liberté d’expression, notamment sur les réseaux sociaux. Les partisans de l’amendement soulignent que cet ajout fait partie d’une réforme du Code pénal plus large et longuement préparée, qui doit encore être discutée à la Chambre des députés.

Les « activités non-autorisées pour le compte d’une puissance étrangère » concerneraient les individus qui travailleraient pour un pays ou une organisation étrangère « avec l’intention de menacer ou de dégrader l’ordre constitutionnel, la souveraineté, l’intégrité territoriale, la défense ou la sécurité de la République tchèque ». Elles seraient passibles au maximum de 5 ans de prison en temps de paix et 15 ans en temps de guerre. Selon V. Rakušan, l’amendement est nécessaire pour limiter les attaques hybrides ou la divulgation d’informations sensibles : il a donné l’exemple d’un ancien employé du ministère des Affaires étrangères ayant transmis des informations confidentielles à la Russie ainsi que celui d’un groupe d’étrangers ayant cartographié les mouvements de politiciens et journalistes ; ils ne peuvent être poursuivis sous la juridiction actuelle.

Le professeur Jiří Jelínek critique toutefois l’inconstitutionnalité de l’amendement et d’autres graves manquements législatifs. Cette modification fait partie de la réforme plus large baptisée Lex Ukrajina, qui vise à améliorer la protection des réfugiés ukrainiens à la suite de l’agression russe de 2022. Dans ce contexte, la Russie multiplie les attaques hybrides envers les alliés de l’Ukraine.

Sources : Lidovky, iDNES, Advokátní Deník.