Russie : après la déconnexion balte du réseau électrique régional, quelles réactions russes?

La déconnexion, le 8 février, des États baltes du réseau électrique BRELL (Bélarus, Russie, Estonie, Lettonie, Lituanie) et leur connexion, le 9 février, au réseau européen ne sont pas sans conséquence pour le réseau russe.

Le réseau unifié soviétique liant les cinq pays a été élaboré au début des années 1960. Il a continué à fonctionner après la fin de l’URSS, le centre de dispatching régional étant alors déplacé de Riga vers Saint-Pétersbourg. Le réseau BRELL à proprement parler a été lancé en 2001, sur la base du fonctionnement parallèle de systèmes énergétiques et de l’échange d’électricité, permettant en outre d’approvisionner l’enclave de Kaliningrad. Pour se déconnecter du système, les trois pays baltes ont eu besoin de quelques années, le temps de créer des ponts électriques avec la Pologne, la Finlande et la Suède : peu à peu, ont été installées les lignes sous-marines Estlink 1 et 2 (Estonie-Finlande), NordBalt (Lituanie-Suède) et terrestre LitPolLink (Lituanie-Pologne). Au cours de l’été 2024, les trois pays ont notifié à la Russie et au Bélarus leur retrait prochain du système électrique unifié.

Certains commentateurs russes soulignent que cette déconnexion n’a aucune justification économique et que seules des raisons politiques peuvent la justifier. Selon eux, elle pourrait induire des fluctuations dans l’offre, voire une instabilité chronique du système, ainsi qu’une hausse des prix de l’électricité. Le propagandiste Alexandre Nossovitch dénonce par exemple des pays baltes qui, depuis 35 ans, ont « construit leur légitimité sur une mythologie destructrice », à savoir celle de l’occupation soviétique, ce qui les a menés à voir une menace russe en toute chose. En sortant du réseau BRELL, les trois pays ont, selon lui, fait un pas de plus vers la rupture avec cet héritage soviétique mais il suffira à la Russie d’être patiente, « lorsque les difficultés s’avèreront ne pas être temporaires, les sous-marins russes qui déchirent vicieusement les câbles électriques au fond de la mer Baltique s’ajouteront à l’endurance du choix européen », écrit-il sur sa chaîne Telegram. Et de suggérer de « nouvelles provocations » de la part de l’Occident à l’encontre de la Russie dans cette région. Le directeur du centre d’études d’économie politique de l’Institut de la nouvelle société Vassili Koltachov s’inquiète d’autant plus que le Danemark a annoncé son intention d’intensifier les inspections de tankers transportant du pétrole russe : « Apparemment, les pays occidentaux veulent nous enfermer dans la mer baltique et faire en sorte que le commerce russe à travers la Baltique soit stoppé, de même que les exportations de pétrole et de gaz et que le système portuaire de Saint-Pétersbourg et de la région de Leningrad, en pleine croissance depuis quelques années, stagne […] L’intention malveillante des pays occidentaux dans cette affaire est évidente : les États baltes, le Danemark, la Suède, la Finlande et la Norvège, qui nous sont hostiles, agissent comme une seule et même équipe. Pour être plus précis, dans une seule équipe », souligne-t-il.

L’approvisionnement en électricité de la région de Kaliningrad suscite également des inquiétudes. Le 8 février, le système électrique de l’enclave, jusque-là relié par un câble à la Lituanie, est passé à un mode de fonctionnement autonome. Le démantèlement à venir des lignes électriques des pays baltes pourra, selon les spécialistes russes, être compensé par les trois centrales installées dans l’oblast, voire par des centrales nucléaires flottantes qui viendront à la rescousse.

Sources : Delovoï Peterbourg, Izvestia, Telegram.