Russie : un marché favorable au développement de l’IE

Sociologue de formation, ancienne journaliste pour la presse économique et financière basée à Moscou et dans les PECO, Teresita Dussart est aujourd’hui directeur des opérations pour Geos Business Intelligence. Entretien.


Pourquoi a-t-on peur en France d’employer le terme de renseignement économique?

Lorsque l’on évoque le terme de « renseignement », il y a la notion d’espionnage. Or, nous ne faisons pas d’espionnage. Comme vous le savez, l’espionnage est illégal. Comme dans un certain nombre de métier, nous collectons des informations par des voies non contestables sur le plan juridique.
Nous avons une méthodologie car nous venons du monde de l’Intelligence. En réalité, opposer la notion d’Intelligence et celle du renseignement est une erreur. Il faut simplement mieux définir ce qu’est l’Intelligence. Les anglo-saxons proposent une formule pertinente en parlant d’« intelligence d’affaires ». Cette terminologie semble beaucoup plus adéquate.

Quel est le profil des sociétés qui font appel à vous pour investir à l’Est ? Des PME ou des sociétés du CAC 40 ?

Nous travaillons aussi bien avec des sociétés du CAC 40 qu’avec des sociétés européennes issues d’autres index. Les PME font également appel à nous. Il faut savoir que les demandes et les attentes de nos clients varient énormément selon qu’ils sont des PME ou des entreprises cotées en bourse. Notamment parce que ces dernières sont assujetties à un certain nombre de contraintes alors que les PME sont plus libres pour pousser au maximum la recherche d’informations.
D’un autre coté, toutes les PME ne peuvent faire appel à nous car le Market Access est une prestation onéreuse. Ce service est ainsi réservé aux PME les plus dotées mais aussi à celles qui cultivent déjà la culture de l’Intelligence économique.

Quelles sont les principales actions menées dans le cadre du Market Access ?

Nous intervenons par exemple pour des sociétés qui souhaitent se développer en Russie notamment par le biais de reprises d’entreprises locales. Dans ce cas de figure, nous étudions les opérateurs nationaux ou étrangers dans ce secteur d’activités, les concurrents, les parts de marché, et s’il existe un espace pour exister commercialement. Nous apportons également les arguments marketing autour desquels pourraient s’articuler l'activité des entreprises.
Si d’une part, nous faisons de l’intelligence compétitive, nous apportons d’autre part à nos clients un socle juridique. Il est primordial de proposer des éléments d’ordre politico-normatifs au regard, par exemple, de la législation sur la responsabilité sociale ou encore de définir les relations que doivent entretenir les sociétés avec les autorités locales.

Quel pays vous parait le plus porteur actuellement à l’Est ?

La Russie est un pays formidablement intéressant tout en étant difficile d’accès. Ce pays constitue donc une niche importante pour les sociétés comme la nôtre. Cela dit, nous devons examiner la situation dans les deux sens. Les entreprises russes sont également amenées à exporter à l’étranger. En tant que société globale, Geos Business Intelligence aide également les Russes à exporter. Et cette activité ne peut que s’accroître à mesure que l’économie se démocratise et qu’elle gagne en transparence.

Travaillez-vous avec des partenaires extérieurs ?

Nous avons la chance d’être ART (Agence de Renseignement Privée), comme vous l’expliquait Bernard Lage, ce qui nous donne les coudées plus franches par rapport à nos concurrents français. Par ailleurs, notre équipe étant complémentaire, nous sommes pratiquement autosuffisants.

Considérez-vous qu’il existe une différence dans les méthodes de travail entre une société française et anglo-saxonne spécialisées en Intelligence économique ?

Il y a une expérience française qui est reconnue par nos concurrents dans le domaine du renseignement. Les Français sont traditionnellement bons dans ce secteur d’activité. Cela dit, les anglo-saxons ont une antériorité dans le monde de l’intelligence économique. Il y a toute une culture aux Etats-Unis où la charge de la preuve relève de la sphère privée. Il y a une réelle culture de l’investigation. Les approchent scénarisés sont donc plus rares dans les sociétés anglo-saxonnes car elles peuvent agir de manière beaucoup plus frontale.

Toutefois, suite à des affaires qui ont défrayé la chronique aux Etats-Unis, il est de plus en plus difficile d’exister pour les sociétés d’Intelligence économique américaines. Un cadrage normatif récemment fixé engage ces sociétés à limiter leur activité à un travail de base de données.
De notre coté, pour continuer nos activités et garantir la pérennité de cette activité d’investigation, nous veillons à ne jamais traverser la ligne rouge.

Par François GREMY