Tadjikistan : caméras de surveillance et détecteurs de métaux dans les mosquées

Par Céline Bayou (sources : Radio Free Europe/Radio Liberty, CentraAsiaNews, The Diplomat.com)

Les autorités de Douchanbé ont annoncé le 29 mars qu’elles allaient faire installer des caméras de surveillance et des détecteurs de métaux dans toutes les mosquées de la capitale, soit plus de 70 lieux de culte. La décision est directement liée à la peur croissante d’une intervention des djihadistes sur le sol tadjik.

La surveillance sera globalement renforcée, les salafistes étant jugés facilement identifiables, par leur barbe et leurs vêtements ostentatoires. Il s’agira donc de les repérer, parmi les fidèles. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui vont supporter le coût de ce renforcement de la sécurité, puisque les frais d’installation de ces équipements vont leur incomber ainsi qu’aux mosquées.

Cette démarche s’inscrit dans la logique du gouvernement qui, depuis 2015, a décidé de faire de la lutte contre l’extrémisme religieux une de ses priorités. Ainsi, une campagne contre le port du hijab, interdit dans les édifices publics et les écoles, a été lancée à travers tout le pays et des restrictions ont été imposées au pèlerinage à la Mecque. Les jeunes de moins de 18 ans n’ont pas le droit de fréquenter les mosquées. Quant au port de la barbe, il a été largement décommandé, voire prohibé dans certaines régions. Le parti de la Renaissance islamique du Tadjikistan, jusque-là jugé modéré, a été purement et simplement interdit en juillet 2015. Les autorités le soupçonnaient d’entretenir des liens avec l’État islamique. On estime qu’une centaine de Tadjiks au total auraient rejoint l’EI en Irak et en Syrie .

Face aux risques de radicalisation, le gouvernement résolument laïc du Président Emomalii Rakhmon assure un contrôle strict des institutions religieuses tadjikes. Ce sont les autorités, notamment le comité aux Affaires religieuses et le semi-officiel Conseil de l’Uléma qui assurent la nomination des imams, le Comité fournissant même la liste des sujets jugés appropriés pour les sermons délivrés dans les mosquées.

Depuis 2009, une loi encadre les activités religieuses, requérant un enregistrement coûteux des groupes religieux et criminalisant les activités religieuses non enregistrées, l’éducation religieuse privée et le prosélytisme. Ce texte fixe des limites quant au nombre et à la taille des mosquées et autorise l’État à interférer dans la vie des institutions religieuses. Ces dernières ont besoin d’autorisations explicites, notamment, pour échanger avec leurs coreligionnaires étrangers. L’importation de matériaux religieux, notamment les publications, est contrôlée avec attention.

Les défenseurs des droits de l’Homme dénoncent depuis longtemps cette mainmise sur les affaires religieuses, la peur du terrorisme leur semblant un simple prétexte. Les autorités du Tadjikistan répètent depuis longtemps qu’elles identifient un risque réel de montée de l’extrémisme religieux sur leur territoire mais les défenseurs des droits de l’Homme, eux, notent que le gouvernement distingue rarement extrémisme religieux et opposition.