RSE : Expliquez nous le fonctionnement de votre institution …
Ali Haïraddin : A Sofia, nous représentons la direction centrale, puisque c'est la capitale, et nous avons encore douze administrations dans le pays, une pour chaque région. Il existe également des comités qui leur sont rattachés dans les villages où vivent des musulmans, soit plus 1.400 pour l'ensemble du pays. Certains villages peuvent avoir deux comités, en fonction des besoins. Le Mufti principal peut convoquer pour des réunions les muftis des différentes régions, et le " Conseil supérieur des musulmans " se réunit au minimum tous les deux mois.
Votre institution est-elle dotée d'un journal ?
Oui, le journal " Musulman " (Dans le dernier numéro du mensuel, on peut lire différents articles: l'un adressé aux enfants, un autre sur " L'importance du dialogue dans le mariage ", un reportage sur une mosquée en Tunisie, des réflexions sur certains passages du Coran …), qui paraît régulièrement depuis 1997. Son tirage a d'ailleurs augmenté, nous avions commencé avec 200 exemplaires, aujourd'hui nous atteignons les 10.000 exemplaires. Il est à moitié en langue bulgare et à moitié en langue turque.
Existe-t-il des écoles religieuses pour les musulmans?
Depuis déjà trois ans nous enseignons la religion dans quelques écoles, depuis la maternelle jusqu'au collège dans des écoles publiques, mais dans très peu d'endroits encore. Actuellement nous sommes dotés de quatre écoles secondaires religieuses. Nous avons également un Institut supérieur de l'islam, à Sofia. Nous espérons en ouvrir d'autres ...
Pouvez-vous nous rappeler le nombre actuel de musulmans en Bulgarie ?
Il n'y a pas de données précises concernant les musulmans en Bulgarie, les chiffres officiels parlent de 1.160.000, mais ceci ne correspond pas à la réalité. Le nombre est en fait beaucoup plus grand; la seule chose que je peux dire, c'est que les musulmans Pomaks (Bulgares convertis à l'Islam) rien qu'à eux seuls représentent déjà un million de personnes…
Quel est votre parcours personnel?
Je suis issu d'une famille musulmane et ai été élevé dans cet esprit depuis tout petit. Je lis le Coran depuis l'âge de sept ans; ensuite, mon père m'a envoyé dans une région où l'on parle majoritairement le turc pour que j'apprenne cette langue. Sinon, je suis un " Bulgare musulman ", c'est à dire un Pomak. Par la suite j'ai terminé mes études à Preslav, à côté de Shumen, ma spécialité là-bas était le contrôle d'appareils et l'automatisation et, de l'automatisation, je suis passé à la religion. Depuis, je me suis occupé de théologie toute ma vie. L'arabe, je ne l'ai pas étudié, je ne suis pas allé dans un pays arabe, c'est à travers le Coran surtout que je l'ai appris.
Existe t-il des traductions du Coran en langue bulgare?
Dans l'ensemble du monde, le Coran se récite dans sa langue d'origine, l'arabe. C'est en 1997 que le Coran a été traduit en bulgare. Depuis, deux éditions ont paru: la première s'est élevée à 10.000 exemplaires, elle est depuis longtemps épuisée; 21.000 exemplaires pour le second tirage, lui aussi épuisé, et nous attendons une troisième édition. La deuxième édition a été imprimée en Jordanie, pour la troisième nous espérons nous adresser à l'Arabie Saoudite car ils ont une imprimerie très sérieuse, la plus grande du monde.
Pouvez-vous nous parler de la mosquée de Sofia ?
Oui, il faut tout d'abord préciser qu'elle était en fonction sous le régime socialisme, il y avait très peu de gens qui la fréquentaient, mais elle était réellement ouverte. L'édifice est trop petit, il mesure 524 m2, elle ne suffit pas à rassembler les croyants, surtout vendredi, et je ne parle même pas des jours de fête, ça devient impossible. Il y a une autre mosquée à Sofia. Ce sont surtout des jeunes qui les fréquentent, oui à 90 % des jeunes ...
Avez vous des projets de construction de mosquées, quelles aides recevez-vous?
Actuellement nous rencontrons dans la région de Sofia des difficultés pour la construction de mosquées. Les obstacles proviennent de certaines institutions et de leurs cadres, de certaines personnes … On adresse par exemple une requête auprès du maire d'une commune pour la construction d'une mosquée, et elle est enterrée, les secrétaires de mairie ralentissent les démarches. Ainsi, nous avons fait une demande au maire de Krasna Poliana pour que les musulmans de la localité aient une mosquée car il y a des églises, mais pas de mosquée. Mais nous n'avons pas obtenu de réponse, c'est une forme de refus silencieux… En province, nous rencontrons moins de problèmes.
Quels sont les influences religieuses de l'islam en Bulgarie?
Il est évident que la Turquie a été longtemps le pays le plus influent. Cependant, nombre de jeunes gens sont aujourd'hui partis étudier dans des pays arabes. Il faut noter qu'aujourd'hui, les individus ne se contentent plus de croire par tradition, ils veulent parvenir à une véritable connaissance de l'islam à travers l'apprentissage des textes. Notre jeunesse entre dans une telle étape et c'est une bonne chose. Quand un croyant pratique sa religion uniquement par tradition, ce n'est pas bon pour lui, il doit la pratiquer sur la base de la connaissance, du savoir. La tradition n'est pas une base suffisante ni une garantie sûre pour la paix entre les différentes religions. Seule une véritable connaissance des religions préserve les hommes des conflits.