Russie : une nouvelle doctrine de politique étrangère pour entériner la rupture avec l’Occident

Le 31 mars lors d’une réunion du Conseil de sécurité et avec plus d’un an de retard, le Président russe a entériné la nouvelle Doctrine de politique étrangère du pays, texte de 42 pages qu’il a qualifié d’équilibré. La précédente doctrine de politique étrangère datait de fin 2016. En juillet 2021, V. Poutine avait signé une nouvelle Stratégie russe de sécurité nationale qui confirmait déjà la perception par la Russie de l’hostilité d’un monde sous leadership américain qui était appréhendé comme la principale source de menaces pour Moscou.

La doctrine de 2023 entérine la rupture avec le monde occidental. Elle se décline en 6 grands chapitres, et le principal objectif est la protection de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays, alors que l’Occident s’efforce d’endiguer tout centre de pouvoir alternatif, ce qu’attestent les pressions exercées sur Moscou par les États-Unis, l’OTAN et l’UE. La Russie, qui ne se considère pas comme ennemi de l’Occident, souhaiterait créer un espace commun de paix, de sécurité et de stabilité dans la zone euro-atlantique. Elle prône également le rétablissement du rôle des Nations unies. Pour cela, elle met en œuvre une politique étrangère ouverte, pragmatique et prévisible. Malgré ce, la culture du dialogue se détériore et la diplomatie perd son efficacité.

La Russie s’attache à protéger son ordre constitutionnel et son intégrité territoriale, à développer un espace informationnel sûr et à préserver le peuple russe. La Fédération de Russie y est définie comme un bastion du monde russe et un « pays-civilisation » particulier, garant de l’équilibre mondial.

La politique étrangère indépendante menée par Moscou, qui fait de la Russie un centre essentiel de développement du monde moderne, est perçue par les États-Unis et leurs alliés comme une menace pour l’hégémonie occidentale. C’est ce qui explique que ces pays aient déclenché une guerre hybride contre la Russie : « Ils ont utilisé les mesures prises par la Fédération de Russie pour protéger ses intérêts vitaux en Ukraine comme un prétexte pour intensifier leur politique, anti-russe de longue date. ».

La responsabilité de cette dégradation est directement imputée à Washington, qui entraîne avec lui l’« Occident collectif ». La Russie se dit prête à défendre le droit du peuple russe à exister et se développer librement, quitte à recourir à la force, pour repousser et prévenir toute attaque contre le pays ou ses alliés. La Russie va d’ailleurs intensifier le processus de formalisation de ses frontières.

La protection des valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes est également citée, de même que la lutte contre la russophobie.

Les priorités de la politique étrangère sont, dans l’ordre, « l’étranger proche, y compris les pays de la CEI, de l’OTSC et de l’UEE, ainsi que l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud ». Les États-Unis sont ensuite désignés comme « principal instigateur, organisateur et exécutant de la politique anti-russe agressive de l’Occident collectif, avec lequel la Russie souhaite maintenir une parité stratégique ». La plupart des pays européens sont qualifiés comme suiveurs de cette politique américaine. L’inde et la Chine sont, elles, qualifiées de « principaux pays partenaires ». Dans le monde islamique, la Russie entend développer sa coopération avec l’Iran, la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Egypte, mais également soutenir la Syrie. La Russie se dit solidaire des pays africains dans leur quête d’un monde multipolaire plus juste. Elle souhaite aussi développer des relations pragmatiques, désidéologisées et mutuellement bénéfiques avec les pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Enfin, elle souhaite préserver l’Arctique et l’Antarctique en tant qu’espaces démilitarisés. Le projet phare de la Russie au XXIe siècle est de faire de l’Eurasie un espace continental unique au monde.

Sources : Kremlin.ru, Nezavissimaïa Gazeta, Novaïa Gazeta.