Alors que l’Azerbaïdjan accueille la 29ème conférence annuelle de l’ONU sur le climat du 11 au 22 novembre 2024, le pays, producteur et exportateur majeur d’énergies fossiles (gaz et pétrole), affirme aspirer à devenir un leader des énergies renouvelables.
L’Azerbaïdjan, pays hôte de la COP29, entend se positionner comme un acteur actif dans la lutte contre le réchauffement climatique. Actuellement grand producteur de pétrole et de gaz et fortement dépendant des exportations de ces énergies fossiles, l’Azerbaïdjan s’est néanmoins fixé des objectifs ambitieux, parmi lesquels réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2050 et diversifier son système énergétique actuel basé essentiellement sur les énergies fossiles. Cette diversification passera par l’augmentation de la capacité installée des énergies vertes (près de 2 GW d’ici 2027, ce qui porterait leur part à 33 %, contre 20,86 % en 2024). Pour y parvenir, le gouvernement azerbaïdjanais a annoncé qu’il procèderait à un investissement de 2 milliards de dollars.
Au-delà de l’atteinte de ses propres objectifs, l’Azerbaïdjan souhaite se présenter comme fer de lance du changement climatique pour les pays en développement. En amont de la COP29, le pays a annoncé le lancement du Climate Finance Action Fund, qui vise à financer des projets renouvelables grâce aux contributions volontaires des pays et des industries œuvrant dans les industries pétrolière, gazière et du charbon.
Un potentiel de ressources en énergies renouvelables considérable et la nécessité d’une réforme du secteur énergétique azerbaïdjanais
Les ambitions de Bakou sont portées par l’important potentiel de ressources en énergies vertes dont dispose le pays, qu’il s’agisse des énergies solaire, éolienne, hydroélectrique ou bioénergétique. D’après le ministère azerbaïdjanais de l’Énergie, le potentiel technique des sources d’énergies renouvelables terrestres en 2024 s’élève à 135 GW et celles en mer à 157 GW. Le potentiel économique est estimé à 27 GW (3 000 MW pour l’éolien, 23 000 MW pour le solaire, 380 MW de potentiel bioénergétique et 520 MW pour l’hydroélectrique).
L’Azerbaïdjan aspire également à se positionner fortement sur la filière hydrogène et à devenir un corridor incontournable en matière d’énergies vertes. Ainsi, en 2022, le pays a signé un accord avec la Roumanie, la Hongrie et la Géorgie pour la construction d’un câble sous-marin qui alimentera l’Europe en électricité issue d’énergies propres produites exclusivement par l’Azerbaïdjan.
Ce virage en faveur des énergies vertes suppose la mise en place d’un cadre législatif structurant ce secteur. En 2021 ont été adoptées une loi sur l’Utilisation des sources d’énergies renouvelables dans la production d’électricité et une autre sur l’Utilisation rationnelle des ressources et de l’efficacité énergétique. Par ailleurs, une Agence des énergies renouvelables a vu le jour en 2020. Cette dernière, sous l’égide du ministère de l’Énergie, « prend des mesures afin d’organiser, règlementer, coordonner les activités liées aux sources d’énergies renouvelables et leur bonne utilisation ; et a pour objectif d’accroître l’attractivité des investissements dans ce secteur. » L’Agence a également pour mission d’aménager les territoires libérés en « zones d’énergies vertes » et d’assurer la participation du secteur privé dans ce domaine.
Des projets d’envergure et un soutien des bailleurs de fonds pour atteindre les objectifs de transition énergétique
Pour mener à bien et financer ses projets renouvelables d’envergure, le pays se doit d’attirer les investissements étrangers. L’Azerbaïdjan a déjà prévu ou déployé plusieurs projets via des partenariats avec des entreprises et acteurs stratégiques internationaux.
À titre d’exemple, le pays coopère avec la société saoudienne ACWA Power pour la construction de la centrale éolienne de Khizi – Absheron (capacité de 240 MW) au nord-est du pays. En 2022, l’Azerbaïdjan a également signé des accords avec l’entreprise émiratie Masdar pour des projets solaires et éoliens terrestres d’une capacité totale de 1 GW. En 2023, le pays a inauguré la centrale solaire de Garadagh (capacité de 230 MW) près de Bakou, fruit de sa collaboration avec Masdar. Le gouvernement azerbaïdjanais a également signé un accord avec la société britannique BP pour la construction d’une centrale solaire d’une capacité de 240 MW dans la région de Jabrayil, située au sud-ouest du pays.
Pour développer ses projets d’énergies vertes et atteindre ses objectifs, le pays s’appuie également sur le soutien financier et technique des bailleurs de fonds tels que la Banque mondiale, la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) ou encore la Banque asiatique de Développement. En 2022, la Banque mondiale, la Société financière internationale et le ministère azerbaïdjanais de l’Énergie ont mis en place une feuille de route sur l’énergie éolienne en mer qui fournit une vision stratégique et un plan pour le développement du potentiel éolien offshore du pays.
Une forte dépendance aux énergies fossiles et un quasi-monopole dans le secteur énergétique
Malgré ces avancées et cette volonté de se tourner vers les énergies renouvelables, l’Azerbaïdjan reste fortement dépendant des énergies fossiles et compte bien rester vivement engagé dans la production et l’exportation de ces dernières, notamment le gaz.
En effet, le pays prévoit d’augmenter sa production de gaz de 35 % d’ici 2034, fort notamment d’une demande européenne qui continue de chercher des alternatives au gaz russe depuis l’invasion d’ampleur de l’Ukraine lancée par la Russie en février 2022.
En 2023, le pays a produit 48,3 Mds de m3 de gaz naturel et en a exporté 23,8 Mds de m3 : 11,8 Mds de m3 vers l’Europe, 2,5 Mds vers la Géorgie et 9,5 milliards de m3 vers la Turquie, dont presque 5,6 Mds via le gazoduc transanatolien. L’Azerbaïdjan reste également un producteur et un exportateur important de pétrole brut : 30,2 millions de tonnes produites et 25,2 millions de tonnes exportés en 2023.
L’atteinte des objectifs annoncés pourrait en outre être entravée par le manque d’entreprises privées azerbaïdjanaises compétitives et diversifiées. En effet, actuellement, au-delà du rôle capital du ministère de l’Énergie, ce sont essentiellement des entreprises étatiques qui ont le quasi-monopole sur le secteur de l’électricité : Azerenerji OJSC supervise la production et la transmission d’électricité et Azerishiq est responsable de la distribution. L’entreprise étatique pétrolière et gazière SOCAR, via sa filiale SOCAR Green LLC, a déjà développé des projets dans l’énergie solaire et éolienne.
En outre, les risques de corruption pourraient entraîner une certaine frilosité de la part des entreprises et investisseurs étrangers et des bailleurs de fonds. En effet, selon l’ONG Transparency International, qui classe 180 pays selon la perception du niveau de corruption au sein de leur secteur public, l’Azerbaïdjan détenait en 2023 un score de 23/100, l’échelle allant de zéro (forte corruption) à 100 (aucune corruption).
Enfin, la quasi-absence d’une culture des énergies renouvelables pourrait également constituer un frein à l’atteinte des objectifs annoncés par le gouvernement. Pour y remédier, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables a recommandé au gouvernement de « concevoir un programme d’activités à long terme visant à accroître la sensibilisation générale et les capacités en matière d’énergies renouvelables, destiné aux institutions publiques, aux entreprises locales et aux citoyens »(1).
Note :
(1) « Renewables Readiness Assessment Republic of Azerbaijan », International Renewable Energy Agency, décembre 2019, p. 9.
Vignette : centrale hydro-électrique de Gobustan (copyright : Azerbaijan Renewable Energy Agency).