Pologne-Ukraine : un « partenariat stratégique »

Dès 1989, et surtout après le démantèlement du Comecon et de l'URSS en 1991, la politique ainsi que l'économie polonaises se sont rapidement réorientées vers l'Ouest.


Dès le début des années 1990, la Pologne avait pourtant entrepris de renouer des relations avec ses voisins orientaux qui à l'époque faisaient toujours partie de l'URSS. Cette démarche fut appelée politique "à deux voies"[1] : tout en maintenant les relations nécessaires avec le "centre" de l'Union soviétique, la Pologne, qui assistait à l'émancipation progressive de ses voisins orientaux vis-à-vis de la tutelle soviétique, fut incitée à mener une politique orientale susceptible de lui garantir des relations amicales et une coopération avec ces nouvelles entités. Elle a ainsi soutenu les tendances indépendantistes de ces pays et elle a été le premier Etat au monde à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine en décembre 1991.

En raison de leur histoire, de leur géographie et de leur taille, la Pologne et l'Ukraine paraissent être "condamnées à coopérer"[2]. Après des siècles de relations douloureuses et complexes, leurs objectifs enfin convergent et il semble qu'il y ait dans le projet européen auquel les deux pays aspirent un terrain d'entente et de dialogue possible. De plus, les liens et les échanges entre les populations dans les régions frontalières, qu'on peut qualifier de naturels et spontanés, peuvent inciter à l'institutionnalisation d'une coopération transfrontalière, par exemple dans le cadre des eurorégions. La ville de Lviv, par son emplacement géographique et ses liens historiques avec la Pologne, se trouve au centre de ce processus. Toutefois le partenariat demeure inévitablement influencé non seulement par la situation internationale (comme la crise russe de 1998) mais aussi par l'écart d'avancement des deux pays sur la voie des réformes. Depuis deux ans le partenariat entre la Pologne et l'Ukraine est, semble-t-il, resté lettre morte.

L'étude de la mise en place d'une coopération économique entre l'Ukraine et la Pologne pendant la dernière décennie, nous conduit à nous interroger sur la construction d'un "partenariat stratégique"[3] entre la Pologne et l'Ukraine qui favorise l'accroissement des échanges et l'intensification de la coopération transfrontalière notamment dans le cadre des eurorégions Carpates et Bug. Cette coopération ne va pas sans dysfonctionnements, qui tiennent aussi bien à la crise russe qu'aux écarts économiques entre les deux pays ; ils sapent tous les efforts et rendent difficile un véritable partenariat économique. De plus, une adhésion éventuelle de la Pologne à l'Union européenne introduit une nouvelle donne dans les relations polono-ukrainiennes, apportant autant d'espoirs que d'angoisses.

La construction d'un "partenariat stratégique"

La dimension économique de la construction de ce "partenariat stratégique" est intrinsèquement liée à sa dimension politique. Ainsi, le développement d'un dialogue politique ponctué par des accords successifs a préparé un cadre juridique et politique à la coopération économique. Il faut surtout mentionner les accords suivants : en 1992 un accord sur l'amitié et le bon voisinage, confirmant la stabilité des frontières existantes, en 1993 la création d'un comité consultatif présidentiel et en 1994 une déclaration sur la construction des règles du partenariat polono-ukrainien.

Les relations entre la Pologne et l'Ukraine sont régulées par presque soixante-dix accords intergouvernementaux et interministériels qui donnent une infrastructure légale à la coopération économique entre les deux Etats. Les plus importants sont : L'accord sur le soutien mutuel des investissements, La convention concernant la double-taxation et la prévention de la fraude fiscale, et L'accord sur la coopération interrégionale. En 1996 à Zamosc a été créé un Conseil coordinateur intergouvernemental polono-ukrainien pour la coopération interrégionale.

Des initiatives récentes visant au renforcement de la coopération mêlent préoccupations politiques et économiques ; c'est le cas notamment de L'initiative de coopération entre la Pologne, les Etats-Unis et l'Ukraine (Polish-American-Ukrainian Cooperation Initiative, PAUCI). Le projet PAUCI proposé par la Pologne a pour but d'appuyer les réformes économiques en Ukraine par le biais de programmes d'aide basés sur l'expérience polonaise dans le champ des transformations économiques.

La réforme macro-économique, le développement des PME et la réforme des gouvernements locaux sont considérés comme prioritaires et ils peuvent bénéficier d'une aide extérieure. Le 19 juillet 1999, le Conseil de PAUCI a accepté d'accorder à l'Ukraine un montant de 10 millions de dollars pendant quatre ans. Les Etats-Unis seront les bailleurs de fonds tandis que la Pologne fournira l'expertise en matière de transition économique.

Un autre projet stratégique, à la fois d'un point de vue politique et économique, est la construction d'un oléoduc Odessa-Brody-Gdansk qui doit assurer à l'Ukraine et à ses voisins centre-européens l'accès au pétrole de la mer Caspienne en les rendant plus indépendants du fournisseur russe. Le projet a été discuté par les Premiers ministres, M. Buzek et M. Pustovoytenko, en février 1999. Lorsque ce dernier s'est rendu à Varsovie en mai 1999, les discussions ont cette fois porté sur l'installation de nouveaux postes frontières ainsi que sur l'accès ukrainien au pétrole norvégien, après la finalisation du contrat polono-norvégien de construction d'un oléoduc.

L'accélération de la réalisation de ce dernier projet a été souhaitée par les présidents MM. Kwasniewski et Koutchma lors de la visite de ce dernier à Varsovie le 17 janvier 2000. De même, une coopération est prévue dans le domaine d'énergie : la Pologne va exporter en Ukraine du charbon tandis que l'Ukraine va fournir de l'électricité.

Ainsi, avec l'intensification des échanges au niveau politique, pendant la dernière décennie, l'Ukraine est devenue le deuxième partenaire commercial de la Pologne parmi les pays de l'ex-URSS, après la Russie[4]. Une des formes les plus avantageuses de coopération est la création d'entreprises communes. En Ukraine on compte environ six cents sociétés fonctionnant avec la participation de capitaux polonais. Sur le marché ukrainien on dénombre de grandes entreprises polonaises de bâtiment comme Energopol à Kiev, Budimex, Exbud ou Intermond. Dans la région de Lviv, la Pologne est le premier investisseur étrangers. Mais ce sont surtout les échanges transfrontaliers qui témoignent de la vitalité du partenariat.

Les échanges ont augmenté très rapidement durant ces dernières années : 280 millions de dollars en 1993, 550 millions de dollars en 1994 et plus d'un milliard en 1995. En 1996 ils se sont accrus de près de 50 % pour atteindre 1,5 milliards de dollars, sans parler de la très intense "navette" transfrontalière de biens de consommation. Par exemple, dans la région de Lviv un nombre considérable d'habitants travaillent au noir en Pologne et s'y approvisionnent en biens de consommation qu'ils revendent ensuite chez eux. Ainsi, 60 à 70 % des produits en vente dans les magasins de Lviv sont d'origine polonaise ou ont transité par la Pologne[5].

Les exportations réalisées par les entreprises de quatre voivodies frontalières de la Pologne entre 1993-1997 ont augmenté d'un facteur 30. Cela signifie que presque un cinquième des échanges commerciaux avec l'Ukraine provient des échanges opérés par les compagnies polonaises de la région frontalière. Les exportations polonaises des voivodies frontalières vers l'Ukraine constituaient en 1997 presque 23 % des exportations totales vers l'Ukraine, tandis que ces voivodies ne contribuent que pour 6 % de la production industrielle en Pologne et pour 10 % de la population. Selon les estimations du Conseil intergouvernemental polono-ukrainien pour la coopération interrégionale, les exportations de ces régions ont augmenté de 7,5 millions de dollars en 1993 à 220,2 millions de dollars en 1997.

Jusqu'en 1998 la coopération économique s'est développée systématiquement surtout dans le commerce mais aussi, même si c'est à une moindre échelle, à travers les actions communes des entreprises et des banques. La création en mars 1999 d'une banque commune, Interbank, à Lviv par des organismes financiers polonais et ukrainiens effectuant les opérations en zlotys et en hryvna sans passer par la médiation des banques occidentales, doit faciliter la coopération économique des entreprises.

Cette dynamique concerne aussi les échanges et les contacts entre les populations. Ainsi, la suppression le 25 juin 1996 des visas pour des déplacements transfrontaliers a eu un impact considérable sur l'accroissement des contacts au niveau individuel. Il faut noter que la circulation à la frontière concerne maintenant presque 10 millions des personnes chaque année. Il est évident que l'accroissement du nombre des postes frontières et l'amélioration de leur infrastructure a joué un rôle important en facilitant les échanges touristiques et le commerce. Il faut noter qu'environ 60 % des Ukrainiens venant en Pologne habitent à moins de 100 km de la frontière. Ils font 80 % des achats en Pologne dans la zone située à moins de 100 km de la frontière.

La coopération transfrontalière s'effectue également aujourd'hui dans le cadre des eurorégions. Le but de cette nouvelle forme de coopération entre pays voisins est le développement économique et culturel des participants. L'idée de créer une eurorégion commença à être étudiée par le ministère des affaires étrangères polonais dès le début des années 1990.

Un des exemples de l'activité au sein de l'eurorégion des Carpates[6] est l'organisation de foires eurorégionales KONTAKT à Krosno qui embrassent de nombreux domaines, des foires de districts frontaliers (à Rzeszow, Miscolec ou Nyiregyhaza) ou des foires du tourisme eurorégional permettant aux entreprises de l'eurorégion de lier des contacts avec des firmes "de l'extérieur".

La chambre de commerce de Podkarpacie (région polonaise) a lié des contacts avec des chambres de commerce à Lvov, Michaloviec et Kisice. La commission de la coopération économique travaille actuellement à un système opérationnel d'échanges d'informations sur la législation concernant l'activité économique dans les pays membres ainsi que sur le projet d'un centre de transactions de troc qui pourrait aider à dépasser les obstacles liés au manque d'instruments de financement des échanges commerciaux transfrontaliers. L'eurorégion encourage aussi des échanges entre les écoles et les universités. L'eurorégion n'a pas le monopole de la coopération transfrontalière mais un de ses rôles concerne l'organisation du lobbying auprès des gouvernements des pays membres. De nouveaux postes frontières ont été ouverts ou modernisés . De même, une réserve naturelle mondiale de la biosphère "Carpates orientales" a été créée sous l'égide de l'UNESCO. Les financements proviennent notamment du Fonds de développement de l'eurorégion Carpates (FDCE) créé en 1994 grâce au soutien de la Fondation américaine de Charles Stewart Mott. En été 1997 l'eurorégion a reçu un financement dans le cadre du premier programme d'aide à la coopération entre les pays de l'Europe centrale et orientale Phare-Credo de la Commission européenne.

Le but de l'eurorégion Bug[7] est une meilleure coopération dans l'exploitation des ressources naturelles de la région (surtout le soufre et le charbon), le développement des infrastructures (routes, postes frontières, réseau de télécommunication), la constitution d'un environnement commercial favorable aux entreprises des provinces concernées (banques, institutions facilitant les échanges des marchandises, de bases de données) et le développement des institutions culturelles. La participation de l'Ukraine à cette eurorégion est pour elle synonyme d'ouverture vers l'occident tandis que pour la Pologne c'est une entrée sur les marchés orientaux puisque l'Ukraine a signé des accords avec les pays de la CEI. L'eurorégion peut jouer un rôle important dans la protection de l'environnement qui constitue un problème réel et dans le transfert d'informations technologiques et économiques. Les échanges économiques ont aussi une influence bénéfique pour l'accroissement de la compréhension entre les populations. Mais depuis la création de l'eurorégion en 1995, un seul projet de recherche, financé par le Comité des recherches scientifiques polonais, a été réalisé.

Une des tâches les plus importantes semble être aujourd'hui la création des infrastructures nécessaires au développement des flux transfrontaliers de toutes natures. Il manque toujours des postes frontières et des autoroutes reliant notamment Lviv à Cracovie et Varsovie à Kiev. Or, les eurorégions ne peuvent que soutenir les initiatives locales qui à leur tour dépendent de la situation du pays. C'est pourquoi la coopération régionale a elle-aussi subi les conséquences de la crise russe par exemple ou du retard des réformes en Ukraine.

La réalisation difficile du partenariat économique

Malgré les initiatives entreprises, il semble que la coopération n'ait un réel contenu politique qu'aux niveaux présidentiel et gouvernemental. Economiquement et au niveau local, elle se heurte à de nombreux problèmes. Maints spécialistes, dont Bogdan Osadczuk ou Dmytro Pavlychko, ambassadeur d'Ukraine à Varsovie, considèrent que les relations polono-ukrainiennes, notamment économiques, demeurent largement une coquille vide dans la mesure où une stagnation semble s'installer. Une telle situation est notamment due aux retombées de la crise russe de 1998 et à l'écart économique qui se creuse entre les deux pays. En 1999 on a observé une baisse des échanges entre la Pologne et l'Ukraine, ce qui est un phénomène nouveau par rapport à la dynamique considérable qui caractérisait ces relations jusqu'alors.

Bien que le ministre ukrainien de commerce, Andrij Gonczaruk, souligne le "caractère stratégique" des relations économiques entre la Pologne et l'Ukraine, le commerce entre les deux pays a significativement baissé. Le montant des échanges de biens et de services a baissé presque de moitié en 1999. Selon GUS, l'Office central de statistique polonais, pendant les 9 premiers mois 1999 en comparaison avec la même période de 1998, l'Ukraine est passée de la quatrième à la dixième place parmi les partenaires économiques de la Pologne. Les exportations ont chuté de 43,7 % et les importations de 12,9 %. L'insuffisance de l'infrastructure frontalière est aussi significative : à la frontière polono-ukrainienne il n'y a toujours que 4 postes frontières (en 1997) tandis qu'il y en a 26 à la frontière germano-polonaise. Cette stagnation récente semble être un résultat combiné surtout de la crise russe et des retards structurels en Ukraine.

Les eurorégions ont aussi des difficultés à se développer. Leur financement est insuffisant (le programme Phare-Credo n'a que des ressources limitées, des procédures lentes et une gestion inefficace dans la première phase de son fonctionnement), la participation locale est elle-aussi insuffisante, et l'incompréhension du rôle d'une eurorégion suscite des attentes démesurées qui provoquent la déception des populations locales. De plus, les régions qui forment les eurorégions Carpates et Bug sont souvent des régions défavorisées dotée d' infrastructures mal développées ou quasi-inexistantes. Par exemple, dans la partie occidentale de l'Ukraine, la production industrielle et le revenu par habitant sont plus faibles que dans le reste du pays. En Transcarpatie le niveau des salaires est de 30 % inférieur à la moyenne nationale. La production de cette région agricole ne représente que 2,1 % de l'indicateur national. Le manque de soutien effectif de la part des gouvernements respectifs et la taille de cette eurorégion constituent des obstacles à un développement dynamique. La comparaison avec les eurorégions mises en place à la frontière avec l'Allemagne où les cotisations sont dix fois plus élevées que celles payées dans l'eurorégion des Carpates[8] est éloquente. L'eurorégion par sa taille est devenue plutôt un terrain d'échange interrégional que transfrontalier comme cela avait été prévu originalement[9].

Craintes et espoirs suscités par l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne

Lors des négociations avec l'Union européenne (UE) le 12 novembre 1999 à Bruxelles, la Pologne a accepté de supprimer jusqu'en 2002 environ 130 accords économiques la liant à des pays tiers avec lesquels l'UE a des accords spécifiques. Il s'agit essentiellement d'accords conclus récemment avec l'Ukraine. Ils seront remplacés par des accords entre l'UE et l'Ukraine. Cela pourrait conduire à la poursuite de l'affaiblissement de la coopération, notamment dans le cadre des eurorégions Bug et Carpates.

De même l'implantation des acquis communautaires concernant la circulation des biens, des gens et des services entraînant la réintroduction des visas en raison des accords de Schengen entraverait sérieusement la circulation dans la région transfrontalière. Si la Pologne voulait introduire envers l'Ukraine les mêmes mesures que l'Allemagne avait introduit envers la Pologne au début des années 1990, il faudrait que les consulats polonais délivrent chaque jour (selon les données de 1996 où le nombre des citoyens ukrainiens visitant la Pologne ne s'élevait qu'à 2 606 453) 10 025 visas. Les autorités allemandes n'étaient capables de délivrer que 6 000 visas par jour. Avec presque 10 millions de passages à la frontière polono-ukrainienne en 1998, il faudrait, pour maintenir la solution allemande, multiplier ce nombre de visas par quatre.

Selon O. Pavliuk[10] les nouvelles délimitations liées à l'adhésion de la Pologne à l'UE peuvent nuire considérablement aux contacts bilatéraux, notamment au niveau des populations, ainsi qu'à la croissance de la coopération économique, élargissant ainsi le fossé économique et psychologique entre les deux nations et affaiblissant les réseaux de coopération infra-régionaux.

Quels remèdes ?

Beaucoup d'espoirs sont liés à la Conférence polono-ukrainienne sur l'intégration européenne établie en mars 1999 dont l'efficacité décidera, dans une certaine mesure, de l'avenir du partenariat entre la Pologne et l'Ukraine. Elle se donne pour but " le renforcement des conséquences positives de l'adhésion polonaise à l'UE pour l'Ukraine"[11] c'est-à-dire de trouver des solutions qui pourraient adoucir les conséquences de l'acceptation par la Pologne des acquis communautaires au moment de son adhésion à l'UE.

Pour que le partenariat reprenne de la vitalité et continue de se développer, certaines barrières doivent sans doute être supprimées. Il s'agit notamment d'améliorer la circulation des informations concernant les possibilités de coopération, de moderniser les infrastructures et, à long terme, de libéraliser les échanges. Une solution concrète a déjà été adoptée en juin 1999: face à des problèmes financiers l'Ukraine a proposé de régler ses transactions au moyen de bons du gouvernement. La Pologne de son côté a proposé de libéraliser les échanges par le biais de contingents hors taxe et par la réduction des tarifs douaniers dans le cadre autorisé par les accords internationaux. Des négociations se poursuivent sur l'octroi de crédits polonais pour les livraisons d' équipements polonais dans le cadre de la modernisation de l'industrie ukrainienne. Elles concernent également l'ouverture d'un crédit commercial (200 millions d'ECU) pour les projets d'investissements approuvés par les deux parties.

On peut s'attendre aussi à des retombées positives de l'adhésion polonaise à l'UE pour l'Ukraine, ainsi que l'ont souligné dans leur conclusion les participants au colloque du CERI du 19 novembre 1999 "Ukraine : perspective d'intégration à l'Europe au lendemain des élections présidentielles". L'Ukraine devenant le voisin immédiat de l'UE aurait plus de chances de marquer sa présence ; elle pourrait aussi compter sur l'intérêt et sur le soutien accru aussi bien politique qu'économique de son "grand voisin" occidental. Le fait que la frontière de l'UE soit sur le Bug pourrait encourager les habitants de l'Ukraine à créer des entreprises à proximité de la frontière à l'instar des maquilladoras à la frontière américano-mexicaine. Par exemple les entreprises est-allemandes profitent déjà du fait que la frontière de l'UE passe sur l'Oder (dès 1993 leurs échanges avec les PECO ont doublé). Mais les échanges avec l'Ukraine doivent changer de caractère et d'échelle : d'échanges entre les individus ils doivent devenir échanges entre entreprises. Il faut aussi créer des infrastructures pour les transports de l'UE à l'est et améliorer le commerce frontalier par le développement d'un réseau de magasins, de firmes de transport et de services.

En outre, l'adhésion polonaise à l'UE constituera un défi nouveau non seulement pour les relations polono-ukrainiennes mais conduira aussi à une redéfinition de la politique orientale de l'UE.

 

Par Malgorzata MAJ

Vignette : transportinfo.fr

 

1. SKUBISZEWSKI K., ministre des affaires étrangères, exposé du 26 avril 1990, in Polityka zagraniczna i odzyskanie niepodleglosci - Przemowienia, oswiadczenia, wywiady 1989-1993 (La politique étrangère et recouvrement de l'indépendance - Discours, déclarations, entretiens 1989-1993), wyd. Interpress polska Agencja Informacyjna, Varsovie, 1997 ; la politique " à deux voies " est devenue la ligne directrice de la politique polonaise durant l'été 1990.

2. HAJWAS J., ROMANOWSKI A., "Jestesmy skazani na wspolprace" (Nous sommes condamnés à coopérer), in Tygodnik Powszechny n°24, 17.06.1990

3. La relation polono-ukrainienne est qualifiée ainsi par les présidents des deux pays (par exemple dans leur déclaration commune du 25.06.1996)

4. Toutefois, la façon de calculer le volume des échanges commerciaux n'est pas la même en Pologne et en Ukraine donc les chiffres fournis par les deux pays varient. Il est donc difficile d'estimer la part exacte de chacun dans leurs échanges globaux. Ainsi en 1997 selon certains chiffres la Pologne était le deuxième partenaire commercial de l'Ukraine, après la Russie et selon d'autres le sixième. Selon certains, l'Ukraine constitue 28% des exportations polonaises vers la CEI (ou 43% in Boss 1998.12.12) et presque 12% des importations. L'Ukraine tient aussi le premier rang parmi les pays avec lesquels la Pologne a une balance commerciale positive

5. BEAUDOING M., "Portraits des régions ukrainiennes", in Courrier des pays de l'Est, n°436, janvier 1999, pp. 3-26

6. L'eurorégion des Carpates comporte du côté polonais 180 communes de 4 anciennes voivodies (Krosno, Przemysl, Rzeszow et Tarnow), du côté ukrainien 4 oblasts (Lvov, Transcarpatie, Ivano-Frankovsk et Tcherniovtsy), du côté hongrois 5 régions du nord-est (Borsod-Abauj-Zemplen, Hajdu-Bihar, Heves, Jasz-Nagykun-Szolnok, Szabolcs-Szatmar-Bereg), du côté slovaque 2 régions (Presov et Kosice) et 5 du côté roumain (Bihor, Salaj, Satu Mare, Maramures, Botosani). L'eurorégion a connu des élargissements successifs entre 1993 et 1997. Avec la Roumanie, l'eurorégion occupe aujourd'hui presque 140 000 km2 avec 14 millions des habitants.

7. La coopération transfrontalière entre les régions frontalières polonaises, ukrainiennes et biélorusses a commencé par la signature le 18.12.1991 d'un accord sur la coopération des voivodies/oblast frontaliers polonais et ukrainiens. L'idée de la création d'une eurorégion Bug a fait jour lors d'une conférence en 1992. Un accord offficiel sur la création de l'eurorégion Bug a été signé le 23.09.1995. Du côté polonais participent les voivodies de Chelm, Lublin, Tarnobrzeg et Zamosc ( des 1998 voivodie de Bielsk Podlaski ce qui fait aujourd'hui 251 communes de 5 anciennes voivodies) et du côté ukrainien oblast de Volhynie. La Biélorussie ne participe qu'à partir de 1998, oblast de Brest. L'eurorégion Bug comportait en 1998 (avec la Biélorussie) une superficie de 60 000 km2 et la population de 5,3 millions d'habitants. Comme l'eurorégion des Carpates, ce n'est pas un organisme supranational. (source : Panorama Euroregionow (Une panorama des eurorégions), Urzad Statystyczny w Jeleniej Gorze,

8. HELINSKI P., Euroregion Karpacki : cele, dzialalnosc i oczekiwania spoleczne (Eurorégion de Carpates : les buts, les actions et les attentes sociales), in Biuletyn Poludniowo-Wschodniego Instytutu Naukowego w Przemyslu, n°3, 1997, pp. 129-138

9. KUZNIAR R., The Carpatian Euroregion : origins and conditions for cooperation, in Polish Quarterly of International Affairs, vol.3, n°3, été 1994, pp. 69-96

10. PAVLIUK O., "Relations Ukraine-Pologne : un pilier de la stabilité régionale ?", in Cahiers de Chaillot, n°26, juin 1997, pp. 46-66

11. KLICH B., NOWOSAD A., Strategic Partnership of Poland and Ukraine : the Polish Perspective, discours prononcé lors d'une journée d'études " Ukraine : perspective d'intégration à l'Europe au lendemain des élections présidentielles " au CERI le 19 novembre 1999