Quel dynamisme associatif chez les jeunes dans les PECO ?

Les associations volontaires sont généralement appréhendées comme un moyen d’intégration des sociétés démocratiques. Elles promeuvent des relations sociales ouvertes sur la société globale et sur le politique. Qu’en est-il aujourd’hui de l’appartenance associative des jeunes dans les PECO ?


La dernière enquête sur les valeurs des Européens apporte des éléments intéressants pour les 18-29 ans, tant dans les pays occidentaux de l’ex-Europe des Quinze que dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale(1). L’appartenance associative, certes inégalement répartie géographiquement, n’est pas négligeable parmi les jeunes. Elle apparaît moins développée dans les PECO où elle concerne un habitant sur trois contre un habitant sur deux en Europe de l’Ouest, sans que l’on constate de différences entre le taux moyen d’appartenance des jeunes et des adultes. Dans les PECO, les taux d’appartenance les plus importants chez les jeunes se trouvent en Slovaquie et en République tchèque (62 %), suivis par la Slovénie (51 %), puis par la Croatie, la Lettonie, l’Estonie et l’Ukraine (de 43 % à 34 %). La Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Bulgarie et la Lituanie ont des taux, compris entre 26 % et 23 %, inférieurs à la moyenne de ce groupe de pays.

Les loisirs devant l’intérêt général

Les associations de sports et de loisirs attirent le plus les jeunes, hormis en Pologne (10 % d’adhésion en Europe de l’Est pour 24 % en Europe de l’Ouest). Dans les deux groupes de pays, les jeunes participent davantage que les adultes à ce type d’association. Viennent ensuite les associations culturelles (avec 5 % à l’Est pour 13 % à l’Ouest), puis les groupements religieux (4 % à l’Est pour 10 % à l’Ouest). Les mouvements politiques ont des taux d’adhésion très bas dans les deux groupes de pays (entre 1 et 2 %), de même que les groupements que l’on pourrait qualifier de défense de causes d’intérêt général, qui valorisent une vision du monde et qui ont une dimension davantage militante : groupements de défense de l’environnement, groupements pour le développement du Tiers Monde, mouvements de femmes et mouvements pacifistes. Si des jeunes sont attirés par ces causes, leur investissement ne passe pas forcément par l’adhésion formelle à un groupement associatif.

Les organisations de jeunesse, quant à elles, ont tenu une place importante dans les systèmes communistes : la participation aux seules organisations officielles était obligatoire ou fortement encouragée pour les jeunes de 14 à 28 ans. Ces organisations ont été dissoutes dans la plupart des pays ou transformées en associations volontaires, en même temps que de nouvelles associations ont été créées et que des organisations «historiques» ont pu réapparaître. Aujourd’hui, d’après l’enquête Valeurs, la participation à des organisations pour la jeunesse est en moyenne aussi peu élevée en Europe occidentale qu’en Europe centrale et orientale (6 % et 4 %), où elle plafonne autour de 10 % (Slovaquie, République tchèque, Slovénie, Roumanie), les taux minimums se situant à 1 % et 2 % (Hongrie, Pologne).

Il ne faut pas négliger que les associations sont aussi un lieu d’expression d’une valeur forte portée par la jeunesse, à l’Est comme à l’Ouest : l’amitié. Les jeunes Européens, davantage que les adultes, considèrent les amis et les relations comme un domaine très important de leur vie, après la famille et le travail et loin devant la politique ou la religion. Dès lors, les associations sont un espace où s’exprime cette sociabilité amicale : on s’inscrit avec des amis dans une association pour y lier de nouvelles amitiés. Selon une question de l’enquête Valeurs, les 18-29 ans, davantage encore que les adultes, passent chaque semaine du temps avec leurs amis dans des clubs ou des associations.

L’individu au centre de l’associatif

Globalement, l’appartenance associative n’est pas négligeable en Europe, même si elle est moindre dans les sociétés d’Europe centrale et orientale. Ces sociétés, comme celles d’Europe du Sud, sont nettement moins associatives que les sociétés scandinaves et hollandaises où la culture de la participation collective et de l’organisation à la base est très forte.

L’appartenance associative apparaît en fait tributaire de l’histoire et de la culture de chaque pays. Toutefois, au-delà de ces différences nationales, les formes de participation sont comparables dans l’ensemble de l’Europe. Les jeunes tendent à privilégier les associations favorisant l’épanouissement individuel, permettant d’avoir une activité commune et de développer des liens amicaux, davantage que des groupements militants, défendant des intérêts collectifs. Ils privilégient une implication plus distanciée, une mobilisation davantage ponctuelle sur des objectifs délimités, visant une efficacité immédiate. La volonté de garder son autonomie dans l’association prend le pas sur un engagement permanent, expression d’une vision globale du monde.

Il est aussi permis de penser que dans les PECO comme en Europe de l’Ouest, le niveau local (quartier, commune…) deviendra un lieu davantage autonome d’organisation et d’expression d’une société civile. L’engagement juvénile, par son caractère ponctuel, concret et pragmatique, peut trouver matière à s’y déployer dans des domaines culturels ou éducatifs, en complément du champ politique conventionnel sur lequel ces expériences peuvent ouvrir et qu’elles sont susceptibles de renouveler.

* Bernard ROUDET est chargé de recherche à l’Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation populaire

 

(1) Olivier GALLAND, Bernard ROUDET (dir.), Les jeunes Européens et leurs valeurs. Europe occidentale, Europe centrale et orientale, Paris, La Découverte-INJEP (coll. « Recherches »), 2005.

Photo libre de droits : attribution non requise. jeunes bulgares en tenues traditionnelles