Après le fiasco de l’affaire Golounov, le désormais très médiatisé article 228 du Code pénal de la Fédération de Russie, qui concerne la détention de stupéfiants, pourrait être réexaminé. Les Russes le savent, l’article mentionné est non seulement féroce mais son utilisation abusive est courante. Il est fréquent qu’il soit invoqué, comme dans le cas de l’arrestation du journaliste Ivan Golounov, pour justifier une incarcération pour un tout autre motif.
Actuellement, la détention d’au moins 6 grammes de marijuana par exemple est une infraction administrative, passible de sanctions. La Russie détient ainsi le record du nombre de personnes incarcérées pour « crime de drogue » par habitant en Europe. En 2018 on dénombrait environ 100 000 personnes incarcérées en vertu de cet article. Selon des ONG, 80 % d’entre elles ont été condamnées pour détention et non pour trafic de stupéfiants. Ce nombre élevé de condamnations explique que l’article 228 ait été surnommé « article du peuple » (narodnaïa statia), tout un chacun craignant de pouvoir en faire les frais.
L’affaire Golounov a eu notamment pour effet de lancer un véritable débat en Russie au sujet des abus liés à l’invocation de cet article. Viatcheslav Matouchine, membre de la Fondation Andreï Rylov, une ONG qui milite pour la modification de la législation sur la détention de drogue, souligne que des milliers de personnes, moins célèbres qu’Ivan Golounov et dont le cas n’a été ni politisé ni médiatisé, croupissent en prison pour des charges qui ne sont pas plus avérées que celles utilisées contre le journaliste anti-corruption.
Or, selon la chaîne de tv indépendante Dojd, la Douma envisagerait d’« adoucir » la législation en la matière. Un projet de loi devrait être présentée avant la fin de la session parlementaire de printemps, portant sur la détention de stupéfiants sans intention de les vendre. L’idée de cette modification est antérieure au scandale Golounov mais il est vraisemblable que cette affaire ait eu un effet d’accélérateur. Aux termes du texte proposé, la détention de quantités importantes de drogue pourrait entraîner de 2 à 5 ans de détention et non plus de 3 à 9 ans comme c’est le cas actuellement. Il s’agirait également de différencier plus explicitement dans la loi les cas d’usage de stupéfiants, de narcomanie avérée et de trafic de drogue.
Ce projet de réforme est soutenu par un certain nombre de personnalités politiques, dont Alexeï Koudrine, le président de la Chambre d’audit qui rappelle que, si I. Golounov a été libéré, nombreux sont ceux qui demeurent en prison pour des accusations similaires. Des juristes et représentants d’ONG restent toutefois prudents, voire sceptiques, quant aux changements réels qu’apporteraient ces modifications législatives et notent que le vrai problème est lié à l’usage que les forces de l’ordre font de la loi.
Sources : Dojd, The Moscow Times, Kommersant.