Serbie : un réarmement traduisant un rapprochement entre Belgrade, Bruxelles et Washington?

Le célèbre analyste militaire Antonio Prlenda du ministère bosnien de la Défense a récemment livré sa vision de la politique d’armement de la Serbie, qui a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières semaines : le spécialiste n’est pas inquiet de la stratégie du président Aleksandar Vucic, qui a annoncé l’allocation de 740 M€ supplémentaires pour remplacer et améliorer l’équipement militaire actuel, et ceci pour plusieurs raisons qu’il a explicitées auprès des grands médias nationaux.

Tout d’abord, « toutes les armées doivent être modernisées » et le moment est venu de renouveler l’armement des forces militaires des pays de la région, la plupart des équipements étant ceux de l’ancienne armée yougoslave (JNA). Ensuite, à la différence de la Croatie et de la Bosnie, dont le ciel est sous la protection d’avions de l’OTAN, Belgrade ne dispose que de son propre équipement pour assurer sa couverture militaire aérienne. Il apparaît dès lors légitime que la Serbie se dote d’équipements lui permettant de répondre à ses besoins.

Si A. Vucic « veut que la Serbie progresse, il devra se ranger du côté de l’Union européenne et de l’Occident », choix qui devait être assumé publiquement sous peu. Or, une telle prise de position, qui nécessiterait à la fois la reconnaissance du Kosovo et une prise de distance avec Moscou, pourrait être considérée comme une trahison aux intérêts serbes par ses électeurs : c’est pourquoi le Président tenterait de mettre en avant son patriotisme en renforçant l’armée nationale, la comparaison avec la Croatie n’étant pas loin. Zagreb vient en effet d’acquérir des Rafale et Belgrade manifeste désormais son intérêt pour une version plus récente et de gamme supérieure du même avion de chasse. La communication de l’exécutif serbe s’adresserait non pas directement à son voisin, mais au « monde serbe », à savoir les électeurs de Serbie et de l’étranger qui doivent garder confiance en leur Président.

Autre élément qui tranquillise A. Prlenda, la modernisation de l’équipement militaire serbe a été jusque-là réalisée en respectant scrupuleusement l’Accord de maîtrise des armements au niveau sous-régional dans cinq catégories (avions de combat, hélicoptères d’attaque, artillerie de calibre 75 mm et autres, véhicules blindés de combat et chars) signé à Florence le 14 juillet 1996.

Il convient de rappeler que Belgrade a jusqu’à aujourd’hui surtout investi dans des drones chinois CH-92 (du même modèle que les Predator américains), une technologie qui n’était pas concernée par l’accord. Le budget militaire serbe ayant constamment augmenté au cours des dernières années, ces futures acquisitions étaient attendues. Enfin, eu égard à la guerre en Ukraine, A. Prlenda souligne que « le moment est venu pour tout pays sérieux de bien préparer sa défense ».

Sources : Dnevni Avaz, Slobodna Bosna.