Ukraine : le secteur gazier cumule les difficultés

Sous l’effet en particulier de l’interdiction d’exporter, imposée en juin 2022 et reconduite régulièrement depuis, le secteur gazier ukrainien est en proie à de nombreuses difficultés : depuis le début de l’invasion d’ampleur du pays par la Russie en février 2022, la production de gaz de l’Ukraine a chuté de 3,5 %, pour atteindre 19,1 milliards de m3 seulement.

Les entreprises privées sont celles qui ont le plus souffert. Seule Nadra-GeoInvest est parvenue à augmenter sa production (multipliée par quatre en 2024 par rapport à 2021), grâce au forage de trois puits très rentables. ESCO-Pivnich, deuxième producteur de gaz en Ukraine a, de son côté, subi une chute de production de 28 %. Quant à Poltava Petroleum Compagny, détenue par JKX Oil & Gas (Royaume-Uni), elle a réduit sa production de 31 %.

Ces entreprises estiment qu’il n’est pas raisonnable de prolonger en 2025 une interdiction d’exportation qui faisait certes sens en 2022, lorsque la crise énergétique en Europe avait mené les prix à des niveaux record, mais qui ne serait plus justifiée aujourd’hui. Le gouvernement ukrainien juge au contraire que le pays aurait du mal à assurer sa consommation intérieure si l’interdiction d’exporter n’était pas prolongée. Pour tenter de compenser les pertes commerciales, l’entreprise publique Naftogaz achète du gaz depuis 2023 aux entreprises privées, ce qui permet à l’État de bénéficier de gaz moins cher que celui que le pays doit importer tout en assurant aux sociétés privés un client stable.

À cette difficulté s’ajoute celle liée à la situation des oligarques ukrainiens, qui composent la plus grosse part du marché : Rinat Akhmetov, l’homme le plus riche du pays et l’un des rares oligarques à ne pas être sous sanctions ukrainiennes, européennes ou américaines, a dû réduire la production de DTEK de 27 % (elle se situe à 1,5 md de m3). Viktor Pintchouk, propriétaire de Geo-Alliance, a réduit sa production de 32 %. Ukrnaftoburinnya, dont Ilhor Kolomoisky a été exproprié en mai 2023, a été la plus durement touchée : deuxième entreprise gazière du pays avant février 2022, produisant alors 0,8 Md de m3 par an, l’entreprise n’a rien produit entre décembre 2023 et août 2024, faute de licence, provoquant une perte de plus de 70 M$ pour le pays. I. Kolomoisky a été arrêté en septembre 2023 et condamné pour fraude et blanchiment d’argent, puis libéré sous caution (500 M€). Enfin, Smart Energy, propriété de l’oligarque Vadym Novynsky, n’a, quant à elle, produit que 90 millions de m3 en 2024, soit quatre fois moins qu’en 2021, après avoir été mise sous sanctions début 2023 : en janvier 2025, V. Novynsky a été inculpé pour trahison et incitation à la haine religieuse en raison de son soutien assumé à l’Église orthodoxe ukrainienne liée au Patriarcat de Moscou, relai de la propagande guerrière du Kremlin, et pour avoir collaboré avec les forces russes proches de la ligne de front.

 

Sources : The Kyiv Post, Forbes Ukraine, Ukrainska Pravda.