Les obstacles au développement d’un tourisme international en Russie sont nombreux : d’une part le pays jouit, en Occident, d’une image peu incitative, entachée par les dérives autoritaires du régime, la guerre en Tchétchénie, les chiffres inquiétants de la criminalité. Par ailleurs, les lourdeurs de la procédure d’obtention de visas dans les consulats à l’étranger peuvent s’avérer rédhibitoires pour le touriste individuel.
Outre la longueur des files d’attentes, le succès de la démarche est conditionnée par la possession d’une invitation nominative, devant émaner d’une personne physique ou morale installée en Russie. Officiellement, il s’agit de contrôler les flux migratoires pour lutter contre l’immigration clandestine. Or, beaucoup de touristes étrangers souhaitant voyager individuellement, dont le nombre est difficile à évaluer, n’ayant pas de correspondant particulier en Russie, se voient contraints de s’offrir les services d’organismes spécialisés, délivrant à bon prix – jusqu’à 600 euros – de « fausses » invitations, au vu et au su des consulats qui ne rechignent pas à fournir par la suite de vrais visas touristiques de trois mois.
Les profits engendrés par la vente de ces documents, illégaux en théorie mais parfaitement acceptés dans la pratique par des fonctionnaires du MID (1), peu scrupuleux ou bien partie prenante des opérations financières, permettent de douter du réalisme de la promesse faite par Vladimir Poutine aux Français et aux Italiens fin 2004, concernant l’assouplissement des conditions d’obtention des visas. Quant aux formalités relatives aux visas d’affaires de six mois, elles contraignent purement et simplement les voyagistes étrangers, et notamment français, désirant expatrier du personnel sur le sol russe pendant la saison touristique, à se placer dans une position délicate vis-à-vis de la législation de leur pays d’origine : l’obtention d’un visa de six mois est en effet conditionnée par la preuve officielle de la séro-négativité de l’employé étranger.
L’immense pays qu’est la Russie ne manque pas pourtant pas d’attraits ni de potentiel touristiques : Moscou, trépidante capitale dont le seul nom évoque encore la puissance de l’Union soviétique, Saint-Pétersbourg, dont le tricentenaire, en 2003 a drainé plusieurs centaines de milliers de visiteurs étrangers, les fameux monastères de l’Anneau d’Or, centre religieux de la région de Moscou, connu pour ses icônes et ses époustouflantes églises des XVIe et XVIIe siècle, ou encore la ligne mythique du Transsibérien, qui profite actuellement d’un timide mais réel engouement auprès du public français.
Parmi les plus populaires des voyages organisés par les tour-opérateurs russes ou étrangers, figure la croisière fluviale de Moscou à Saint-Pétersbourg. Plébiscités par les Russes eux-mêmes, qui au rythme impassible des plus grands fleuves d’Europe occidentale, la Volga et la Neva, découvrent depuis le milieu du XXe siècle, les richesses de leur patrimoine historique et naturel – du kremlin d’Ouglitch aux églises de bois de l’île de Kiji, aux confins du lac Onega – cette croisière d’une douzaine de jours permet également aujourd’hui à près de 100 000 touristes américains, européens et japonais, de découvrir en un minimum de temps et un maximum d’efficacité, sans connaître les affres des démarches consulaires individuelles, les grandes villes russes, mais aussi les paysages de la campagne profonde.
Sur le trajet des bateaux de croisière, de Moscou à Saint-Pétersbourg, certaines petites villes et villages tirent aujourd’hui l’essentiel de leur revenu de la fréquentation touristique. En quatre escales fluviales, Regard sur l’Est vous invite cet été à la rencontre des habitants de cette Russie méconnue, pour qui l’accueil des étrangers est aujourd’hui un facteur développement économique et humain. Elles ont pour nom Svirstroy, Kiji, Goritsy et Ouglitch.
- Première escale : Svirstroy-Mandroga, les ambitions des nouveaux professionnels du tourisme
- Seconde escale : L'île de Kiji, un paradis réglementé
- Troisième escale : Goritsy, les laissés-pour-compte de la saison touristique
- Quatrième et dernière escale : Ouglitch : le revenu touristique retarde la crise industrielle
(1) Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie.