Pankissi, la vallée de l’oubli

Située le long de la rivière Alazani frontalière de la Tchétchénie, la vallée de Pankissi, située en Géorgie orientale (Khakétie), s’étend sur une dizaine de kilomètres de long, dans les contreforts du Caucase. Elle abrite la petite communauté des Kistines.


Dans la vallée de Pankissi (Géorgie)Environ huit mille Kistines, une ancienne communauté musulmane sunnite d’inspiration soufie, vivent dans la vallée de Pankissi. Cette communauté désormais peu connue est originaire de Tchétchénie. Elle a migré dans la région au 19ème siècle et se répartit aujourd’hui dans six villages de la rive gauche de l’Alazani. Depuis 1999, elle a accueilli de nombreux réfugiés et combattants tchétchènes, ce qui l’a passablement déstabilisée.

Cérémonie soufie dans la vallée de Pankissi

Chaque vendredi, des femmes kistines se réunissent dans l’ancienne mosquée du village de Duisi afin de perpétuer le rituel du Dhikr, proche de celui des derviches tourneurs.

Cérémonie soufie

Dans un silence contemplatif, la cérémonie commence. Les femmes, assises en cercle, chantent mélancoliquement le nom de Dieu et de Mahomet, en frappant dans leurs mains, de plus en plus fort.

Dans la vallée de Pankissi (Géorgie)

Elles se lèvent ensuite et se mettent à frapper du pied, sur un rythme frénétique, l’accompagnant de voix mélodieuses, avant de se mettre à courir en cercle de manière extatique, en chantant à tue-tête « La ilaha ilallah » (« il n’y a pas d’autre dieu que Dieu »).

Cérémonie soufie

 

 

 

Le soufisme est une branche mystique de l’islam qui privilégie les interactions directes et personnelles avec Dieu. Le « Dhikr », qui signifie « souvenir » en arabe, renvoie à la fois à un appel silencieux et individuel à Dieu et à une prière collective qui implique une récitation et une danse exubérante visant à éloigner la peur, à libérer le potentiel personnel et à rapprocher le participant du Tout-Puissant.

 

 

Chez les Kistines de Pankissi

Dans le Pankissi, outre la récitation collective des noms de Dieu sous forme d’une chanson et d’une danse, cette prière s’agrémente en outre de l’appel à « marshua Kavkaz » (« la paix dans le Caucase »). La plupart des femmes qui participent à ce rituel se considèrent comme des hajiistes, des adeptes du mystique soufi Kunta Haji Kishiev : au 19ème siècle, ce Tchétchène prêchait la non-violence et la résistance passive.

Les Kistines de la vallée de Pankissi

 

 

Dans un pays qui affirme une identité chrétienne orthodoxe forte, les femmes kistines tentent d’exister et de préserver leurs coutumes. Elles espèrent aussi prouver que leur communauté n’est pas un réseau de terroristes ou de sauvages, comme cela a pu être relayé en Russie ou en Europe.

 

 

 

Jeune garçon de la vallée de Pankissi

Tandis que les garçons, plus ou moins jeunes, qui n’ont pas encore troqué leur cheval contre une voiture rutilante, s’élancent avec fougue sur leur monture, l’Alazani, qui prend sa source dans le Grand Caucase, coule paisiblement à proximité de quelques modestes habitations.

La vallée de Pankissi - Géorgie

 

* Maxime Crozet est photographe voyageur. C'est au cours de ses longs périples que sa passion pour la photographie s'est développée, jusqu'à prendre une place centrale dans sa manière d'explorer le monde. À travers ses clichés, issus de la richesse de ses rencontres, son regard nomade illustre la diversité anthropologique, documentaire ou encore affective du portrait. Son travail s’articule autour des thèmes de l'errance, de l'identité et des frontières.

Site internet de Maxime Crozet.

 

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